Une étude menée par des médecins-chercheurs français montre que les femmes jeunes qui arrêtent leur hormonothérapie, traitement de référence des cancers du sein hormonodépendants, voient leurs risques de rechute et d’apparition de métastases se multiplier très rapidement. Parmi les principaux facteurs de non-adhésion au traitement : ses effets indésirables mal supportés.

Sommaire

  1. Une femme sur 6 ne suit pas la prescription médicale 
  2. Un risque de rechute locale et à distance augmenté de 131% à trois ans
  3. Plusieurs facteurs de non-adhésion au traitement retrouvés 

80% des

cancers du sein sont hormonosensibles, c’est-à-dire que les cellules cancéreuses possèdent des récepteurs hormonaux. Dans ce cas, les patientes, après un traitement curatif par chirurgie,

chimiothérapie ou

radiothérapie, doivent suivre cinq à dix ans de traitement par

hormonothérapie. Oral, injectable ou chirurgical, il consiste, comme l’explique l’Institut national du cancer (INCa), à “empêcher l’action stimulante des hormones féminines sur les cellules cancéreuses”. Un traitement lourd et long que bon nombre de femmes ne suivent pas jusqu’au bout, ce qui entraîne des répercussions négatives : dans une étude parue le 22 juin dans la revue Journal of Clinical Oncology, des médecins-chercheurs français démontrent pour la première fois que les femmes jeunes qui arrêtent leur hormonothérapie prématurément ont plus de risques de rechute de la maladie mais également d’apparition de métastases.

Une femme sur 6 ne suit pas la prescription médicale Pour parvenir à ce constat, des équipes de Gustave Roussy, de l’Inserm et de l’université Paris-Saclay se sont penchées sur le cas de 1 177 femmes non ménopausées, traitées pour un cancer du sein localisé, et qui avaient accepté de prendre un traitement d’hormonothérapie (dans ce cas, le

tamoxifène). Ces patientes faisaient partie de la cohorte nationale CANTO (pour CANcer TOxicities), formée pour étudier les toxicités associées aux traitements du cancer. La non-adhésion thérapeutique, définie comme le fait pour un patient de ne pas suivre correctement son traitement, a été mesurée grâce à des questionnaires déclaratifs sur la prise du tamoxifène et un dosage biologique sanguin du médicament, un an après la prescription.“Les résultats du dosage sanguin du Tamoxifène après un an de traitement ont montré qu’une femme sur six (16 %) ne suit pas la prescription médicale après seulement un an de traitement, ce qui est élevé par rapport à ce qui avait été décrit auparavant”, explique le docteur Barbara Pistilli, oncologue à Gustave Roussy et co-auteure de l’étude, dans un communiqué. Un risque de rechute locale et à distance augmenté de 131% à trois ansAvec une véritable perte de chance : à trois ans, le risque de rechute, localement et à distance (apparition de métastases), augmente de 131%. “Il est multiplié par 2,31 lorsque les femmes ne prennent pas leur hormonothérapie la première année, ce qui est considérable, précise le Dr Pistilli. A trois ans, 95 % des femmes qui ont suivi le traitement n’ont pas rechuté, alors que c’est seulement 89,5 % de celles qui ont moins bien adhéré”. “Selon les nouvelles mesures que nous sommes en train de réaliser, l’écart semble se creuser encore davantage tant sur le risque de rechute que sur la mortalité après cinq à dix ans de traitement d’hormonothérapie non suivi”, ajoute le Dr Inès Vaz-Luis, directrice de l’étude.Plusieurs facteurs de non-adhésion au traitement retrouvés Par ailleurs, la moitié des femmes n’ayant pas suivi la prescription médicale ne l’avaient pas mentionné dans le questionnaire, où la question était pourtant posée. “Nous observons une importante dissociation entre ce que ces femmes osent nous dire et la réalité. Il faut que nous puissions comprendre pourquoi, afin de leur proposer une aide mieux adaptée et une approche plus personnalisée. Il est important de changer la manière dont on prend en charge ces patientes pour améliorer leur adhésion au traitement.”Parmi les principaux facteurs de non-adhésion au traitement retrouvés : les effets indésirables tels que la fatigue ou les douleurs musculaires et articulaires, la présence d’autres maladies, le fait de ne pas avoir reçu de chimiothérapie mais aussi le fait de ne pas vivre en couple. “L’interprétation de ces résultats est plus complexe qu’il n’y paraît, tient à préciser le Dr Pistilli. Le fait d’avoir été traitée par chimiothérapie provoque de la fatigue et celle-ci semble être un frein à la prise régulière du traitement hormonal. Paradoxalement, ne pas avoir reçu de chimiothérapie – indiquée pour diminuer le risque de récidive – semble aussi diminuer l’adhésion au traitement.”Mieux cerner ces facteurs va permettre d’aider les médecins à “développer des solutions et outils adaptés pour aider [les patientes] à poursuivre [le traitement] afin de leur offrir une meilleure qualité de vie dans l’après-cancer, tout en les préservant le plus possible d’une rechute”, conclut le Dr Vaz-Luis.