Alors que le 9e Festival de La-Roche-sur-Yon vient de dévoiler son palmarès, coup de projecteur sur 10 films découverts ici (et dont on devrait à nouveau entendre parler ces prochains mois), et rencontre avec Paolo Moretti, directeur du Festival.

1. La Favorite de Yorgos Lanthimos
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Yorgos Lanthimos (Mise à mort du cerf sacré, The Lobster) revisite le film historique en costume, avec mordant et piquant. La Favorite est un film diaboliquement cruel dont l’intrigue se passe au début du XVIIIème siècle, sur fond de guerre entre l’Angleterre et la France, dans la cour de la Reine Anne. Ces nouvelles liaisons dangereuses sont incarnées par un trio féminin de choc – Emma Stone, Rachel Weisz et Olivia Colman – avec des dialogues parfois très crus et des scènes perverses à souhait. Il faudra patienter jusqu’au 6 février 2019 pour découvrir ce nouveau cru du cinéaste grec Yorgos Lanthimos.
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© Fox Searchlight

Angoulême, Venise, Toronto, Deauville, San Sebastian, mais aussi Namur, Londres, Bordeaux, Saint-Jean de Luz, Sitges, sans oublier le Festival Lumière à Lyon… Dès les derniers jours d’août jusqu’à la du mois d’octobre, les festivals de cinéma s’enchainent, presque sans interruption, à un rythme effréné, mettant en lumière les films de patrimoine comme le Festival Lumière ou les longs métrages qui feront événement dans les prochaines semaines ou mois.

Dans ce flot de festivals, celui de La-Roche-sur-Yon, en Vendée, se fait, à son tour, une jolie place au soleil, le journal Ouest-France ayant même récemment titré “Un festival du film qui joue dans la cour des grands” : plutôt que de se focaliser sur un sujet, un genre ou une nationalité, sa ligne directrice fait la part belle à l’éclectisme allant piocher dans les grands rendez-vous internationaux (exception faite des films montrés à Cannes), le plus souvent en avant-première française, et n’hésitant pas également à dénicher des pépites inédites et aller vers le cinéma de genre, comme Paolo Moretti, directeur du Festival, nous l’a expliqué dans notre entretien à découvrir ci-dessous.

Alors que Festival de La-Roche-sur-Yon a battu son record de fréquentation cette année et a accueilli entre autres stars Ethan Hawke, Karin Viard et Valeria Bruni Tedeschi, nous vous proposons de découvrir ci-dessus, en images, une sélection de 10 films aux genres très variés, que nous avons pu y découvrir, et qui arriveront prochainement sur les écrans. Nous vous invitons également à découvrir le palmarès de cette 9e édition, juste après notre entretien avec Paolo Moretti, directeur du Festival, et nouveau délégué général de la Quinzaine des réalisateurs de Cannes, dont il a accepté de nous dire quelques mots.

Entretien avec Paolo Moretti

AlloCiné : La sélection de votre festival donne à voir des films très variés, si bein qu’il est complexe d’en définir la ligne directrice. Comment la résumeriez-vous ?

Paolo Moretti, délégué général du Festival de La-Roche-sur-Yon, et nouveau délégué général de la Quinzaine des réalisateurs de Cannes : C’était une volonté quand je suis arrivé ici en 2014. Comme j’avais une vision d’ensemble qui venait de mes passages dans de grands festivals comme Venise ou Rome, je faisais de la recherche pendant toute l’année sur ce qui se passait dans le monde. En arrivant ici, je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas vraiment de lieu, à part Cannes, où il y avait plein de films qui apparaissaient ainsi en première mondiale. Il n’y avait pas vraiment de festivals comme ça. La plupart est soit thématique, soit centré sur une zone géographique, soit sur une langue, soit des premiers ou deuxièmes films.

Il y a tellement de films qui apparaissent dans de grands rendez-vous internationaux – Berlin, Venise, Toronto, Sundance, South by Southwest, Sitges… On n’a pas une grande plateforme, mais pourquoi pas mettre à disposition tout ce cinéma. La seule contrainte que l’on s’est donnée, c’était de ne pas prendre de films qui ont déjà été montrés en France.

L’envie, la volonté de partager des films que nous allons chercher pendant toute l’année partout dans le monde 

Par ailleurs, l’organisation par sections était la volonté de suggérer des chemins au public. Un festival a besoin d’un peu de temps pour établir une identité et là on pensait juste à essayer d’aider le public à trouver l’esprit : l’esprit de la section Nouvelles vagues n’est pas celui de Variété par exemple. Dans la section Variété, on joue beaucoup avec les codes du genre, tout en n’étant pas un festival dédié au genre, ou ne montrant que des films de genre. C’est du genre mais toujours une vision d’auteur très forte. C’est ce concept de base du festival que j’ai essayé d’installer ici depuis 2014 qui nous permet de ne pas avoir de contraintes, sinon celles de la nouveauté, nouveauté à la fois chronologique et esthétique. On se donne aussi ce défi, c’est à dire celui de se faire plaisir et de montrer des choses qui ne sont pas vraiment classiques. A part Cannes, il n’y avait pas beaucoup de festivals généralistes et quand il y en avait, c’était pas mal de “replay” de Cannes. Là, c’est l’envie, la volonté de partager des films que nous allons chercher pendant toute l’année partout dans le monde. (…)

Ce n’est pas parce qu’un film n’est pas allé à Cannes que c’est un mauvais film. C’est un peu témoigner de toute cette activité et de films qui n’ont pas forcément de trajectoires commerciales qui leur permet d’exister en France. Il y a certains films, pour des questions de stratégies commerciales, qui ne sortiront pas en salles, et ça ne dépend de la valeur du film, ça dépend d’autres dynamiques. Pourquoi ne pas donner à ces films la possibilité d’être vus sur grand écran dans un contexte de festival. Ce contexte de festival est particulier car une bonne partie de notre public est aussi du public régulier des cinémas. Il y a une dimension festivalière bien sûr, mais il y a aussi une dimension de plaisir de montrer des films en salles à un public régulier et cinéphile de cette commune.

Je n’ai pas l’impression que ce soit le cas dans la sélection de cette année, mais avez-vous pensé à prendre des films Netflix ? C’est un sujet qui anime beaucoup le milieu actuellement et notamment avec Roma d’Alfonso Curaon…

Moi, je l’aurais pris. Netflix ne nous a pas donné la possibilité de montrer le film. Ils m’ont dit que cela ne correspondait pas à leur stratégie. Roma est un chef d’oeuvre et j’aurais vraiment eu envie de le partager avec le public du festival, surtout justement parce qu’il n’a pas vocation à sortir en salles et cela aurait été une très belle occasion de le voir sur grand écran. Je regrette un peu, mais je suis aussi très content de la sélection que nous avons.

En tout cas, vous n’êtes pas opposés à l’idée de prendre des films destinés à Netflix.

Non, pour moi, la première priorité est de montrer le film. Ensuite, on peut discuter de ce qu’il y a derrière, comment Netflix intervient dans le système français, etc. Mais c’est vraiment une discussion complexe et il faut qu’elle soit la plus large possible, entre les interlocuteurs institutionnels, les acteurs de l’industrie du cinéma et les réalisateurs aussi. Je donne toujours la priorité aux réalisateurs et aux films, et après on discute. On rend possible au film le fait d’être vu.  

Est-ce que cette réflexion que vous avez sur Netflix, vous l’appliquerez pour la Quinzaine des réalisateurs ? C’est inévitablement une question que l’on vous posera…

Ça s’appelle la Quinzaine des réalisateurs, il y a une réponse dans ce nom. C’est d’abord les réalisateurs, les gens qui font des films. La priorité sera toujours donnée aux réalisateurs, indépendamment de leurs conditions de production ou de diffusion. Mais c’est très important de le préciser : ce n’est pas non plus quelque chose de léger, parce que ça modifie certaines dynamiques.

Réfléchir à comment intégrer au mieux de nouvelles dynamiques, tout en gardant les spécificités, les qualités du système dans lequel on existe tous

C’est une situation qui mérite une réflexion. On y pense. Je dirige aussi une salle d’art et essai, donc je sais à quel point le système dans lequel, à la fois la Quinzaine, Cannes, la salle d’art et essai, participe à une vision globale du système français, qui est l’un des plus développés, complexes et efficaces au monde pour faire exister la diversité. Ça pose un problème de système, celui de réfléchir à comment intégrer au mieux de nouvelles dynamiques, tout en gardant les spécificités, les qualités du système dans lequel on existe tous.

Festival de Cannes – Quinzaine des réalisateurs : on connait le successeur d’Edouard Waintrop 

Encore quelques mots sur la Quinzaine des réalisateurs : vous avez déjà commencé votre mandat (succédant à Edouard Waintrop), mais votre première édition à sa tête sera en 2019. J’imagine que vous avez déjà commencé à défricher, réfléchir à une façon de marquer votre empreinte… 

Oui et non, dans le sens où c’est plus une pensée de fond sur la Quinzaine, sur son histoire, sur son actualité et sur son développement potentiel. J’ai très à cœur l’histoire de la Quinzaine, c’est une histoire magnifique, qui a révélé tellement de films qui sont tellement importants pour ma formation de cinéphile et au-delà.

J’ai très à cœur l’histoire de la Quinzaine, c’est une histoire magnifique, qui a révélé tellement de films qui sont tellement importants pour ma formation de cinéphile et au-delà 

L’idée est d’essayer de travailler pour trouver un équilibre qui prend en considération cette histoire, qui est aussi une histoire de courage d’esprit visionnaire, parce que la Quinzaine a aussi montré des films qui se sont beaucoup fait critiquer au moment où ils étaient montrés, mais ils ont fini par marquer l’histoire du cinéma. C’est donner cette possibilité d’oser, tout en étant conscient que la Quinzaine est la Quinzaine aussi parce qu’elle a lieu à Cannes. Cannes est là aussi pour dynamiser l’industrie.

Je pense qu’il y a une double sensibilité à avoir et c’est de cette double sensibilité dont sera composée la sélection 2019. C’est une question d’équilibre. Ce sont les films qui s’imposeront à nous. Je n’ai rien de pré-conçu par rapport à la sélection de la Quinzaine. J’ai très envie de travailler dans une dimension très collective et partagée. J’ai un comité de sélection, de conseillers, de correspondants que j’ai envie vraiment d’impliquer. Je voudrais travailler dans un esprit d’intelligence et sensibilité collective. Le collectif est à la base autant de la SRF (Société des réalisateurs de films) que de la Quinzaine. J’ai envie de cultiver cette dimension. 

Pour en revenir au Festival de La-Roche-sur-Yon, cette édition semble très positive en terme de fréquentation, et cela était palpable dès les premiers jours…

Ça fait plaisir. Il y a une perception, une tendance de quelque chose qui grandit, qui s’affirme un peu chaque année un peu plus. Quand je suis arrivé, le festival n’avait pas le même nombre de spectateurs. Le festival fonctionne avec le temps. Avec cette nouvelle formule, c’est la 5ème édition. Depuis l’année dernière, nous avons un nouveau lieu, ce qui aide aussi à rencontrer un nouveau public.

Il n’y a pas de préjugés vis à vis du festival et le public répond de plus en plus, pas seulement le public local. Il y a de bonnes raisons de faire quelques kilomètres pour venir ici pendant le festival. On découvre des choses. Il y a aussi pas mal de professionnels qui viennent. On invite systématiquement, pas seulement l’équipe artistique, mais aussi le distributeur ou le producteur si le film n’a pas de distributeur. C’est une progression naturelle, et le fait que l’équipe soit là nous encourage à continuer. 

Le palmarès complet du 9e Festival International du Film de La-Roche-sur-Yon, du 16 au 21 octobre 2018 : 

COMPETITION INTERNATIONALE (Jury composé de Marie-Ange Luciani, Nadav Lapid et Giona A. Nazzaro) 

Prix Spécial du Jury Ex-Aequo : La Favorite de Yórgos Lánthimos et Profile de Timur Bekmambetov
Grand Prix du Jury Cine+ : What You Gonna Do When the World’s on Fire? de Roberto Minervini

COMPETITION NOUVELLES VAGUES (Jury composé de Adina Pintilie, Eduardo “Teddy” Williams et César Vayssié)

Mention Spéciale Nouvelles Vagues : Le discours d’acceptation glorieux de Nicolas Chauvin de Benjamin Crotty et Ne coupez pas ! (One Cut of the Dead) de Shinichiro Ueda
Prix Nouvelles Vagues : D’un château l’autre d’Emmanuel Marre
Prix Trajectoires : Les Drapeaux de papier de Nathan Ambrosioni
Prix du Public : Les Drapeaux de papier de Nathan Ambrosioni

Ethan Hawke, Karin Viard, Quentin Dupieux, Anna Karina au Festival de La-Roche-sur-Yon 2018 

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